SMACK | C'est
une peinture à la dimention spatiale toujours limpide,au signe net, incisive
et énergique, équilibrée dans le choix des couleurs, une
peinture qui, en quelque sorte, réaffirme un principe esthétique
qui semblait avoir définitivement été dénaturé
par les avant-gardes des premières années du XX siècle. L'artiste
valdôtaine propose maintenant au public une selection de dix tableaux de
grandes dimensions, ayant pour thème le cinéma hollywoodien et néoréaliste
de l'après-guerre aux années Soixante-dix. Après les Assonaze
piromantiche présentées par Janus au Fort de Bard en 1993 et
dédiées au geste créateur de certains célèbres
chefs d'orhestre, dans lesquels Enrico Crispolti reconnaît "des suggestions
de Bacon mais perçues à travers des modèles plus lointains
de tradition anglos-saxonnemoderne", après la série des portraits
intenses des empereurs romains qui illustraient la Caduta di un impero,
exposition partagée avec le sculpteur Marina Torchio et présentée
à l'Espace Porta Decumana d'Aoste en novembre 2004, après les récentes
peintures sur bois qui composent la série intitulée Sulla montagna,
Barbara Tutino médite maintenant sur la magie du "septième
art", emprisonnée dans les photogrammes - choisis par l'artiste de
façon apparemment fortuite - de certains films les plus populaires du XX
siècle. Il s'agit de réélaborer et visiter un cinéma
mythique et de légende dont le souvenir émerge de manière
prépondérante à travers les images de quelques-uns des acteurs
cinématographiques les plus célèbres de tous les temps. Kirk
Douglas, Gène Hackman, Grace Kelly, Ingrid Bergman, Gregory Peck, Ava Gardner,
James Dean et Marilyn Monroe deviennent donc des icônes de la culture visuelle
du XX siècle, qui appartiennent en quelque sorte à notre expérience
individuelle et collective. Les oeuvres sont réalisées sur des panneaux
de contre-plaqué phénolique, matériau qui confirme la prédilection
de l'artiste pour l'expérimentation toujours présente dans son concept
de "faire de l'art" et dont la rude surface mouchetée devient
elle-même une sorte de reprodution de la pellicule cinématographique.
La peinture de Barbara Tutino dialogue non seulement avec le cinéma, "nouvel
art du XX siècle" selon la définition du metteur en scène
russe Ejzenstejn, mais aussi avec l'illustration, la bande dessinée, la
musique, la littérature. Son langage est circulaire, multiforme, à
facettes; il renvoie constamment àtous les arts visuelles; il réélabore
avec originalité les mythes du XX en sollicitant notre imaginaire à
travers un signe précis et personnel, formule figurative énergique
d'expressivité essentielle. Parmis les films cités dans l'exposition,
il suffit de rappeler Sept ans de réflexion (The Seven year Itch, 1955)
de Billy Wilder, comédie hollywoodienne qui détermine l'apogée
de la célébrité de Marilyn Monroe, femme fragile et mystérieuse,
incarnation d'une beautè idéalisée dont le mythe survit,
inaltéré, au temps qui fuit. Outre Marilyn, figure contradictoire
et fascinante, icône pop et symbole du rêve américain, Barbara
Tutino choisit Ingrid Bergman et Gregory Peck dans les séquences d'un des
chefs-d'oeuvre d'Alfred Hitchcock, La maison du docteur Edwardes (Spellbound,
1945), mais fait aussi défiler devant nos yeux les rudes personnages du
genre western et les protagonistes très humains et opprimés du cinéma
néoréaliste italien. Par exemple, le tableau dédié au très
célèbre film de Vittorio de Sica Le Voleur de Bicyclettes
(Ladri di biciclette, 1948), où semble transsuder une sorte de réalisme
existentiel qui restitue la tension émotive à la figure humaine
dans une réflexion sagace de l'expressionisme, est d'une nette intensité
expressive. Mais au-delàde la représentation des films,qui n'entend en aucune
manière devenir un citationisme stérile, ce qui compte pour le peintre
c'est le rappel à une culture visuelle dont on semble aujourd'hui avoir
perdu l'enchantement. Barbara Tutino elle-même nous explique que "ses
oeuvres prennent une tournure qui évoque vaguement l'art de l'affiche et
de la bande dessinée et reconduit à un imaginaire désuet
ayant appartenu à sa génération, qui était jeune dans
les années Soixante-dix". Un aspect important de sa recherche picturale
est exalté par le choix du titre de l'exposition - un sonore Smack! - et
les titres des oeuvres qui renvoient au langage onomatopéique des bandes
dessinées. Elle aime se mesurer avec toutes les expressions artistiques
et, dans cette optique, s'est concrétisée la collaboration avec
les musiciens Laurent Desmurs et Toninho Ramos, qui ont composé six morceaux
musicaux différents inspirés de cet itinéraire créateur.
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